Circuit Tunisie 2018

Petit survol historique

Il n’est pas faux de dire que l’histoire de l’Afrique du Nord a commencé à s’écrire par sa cote Est. Ce sont les Grecs en premier en s’installant sur ces cotes, dans la région tripolitaine puis en Sicile qui ont apporté les prémices de son histoire en parlant de Lybie ou de peuple libyque (ou LIbou) qui occupait selon eux le territoire nord-africain et qu’on identifiera plus tard comme le peuple berbère(1) ou peuple Amazigh plus exactement pour faire référence à sa langue et à sa culture.

Puis vint le tour du territoire de la Tunisie actuelle avec l’arrivée sur sur ce territoire d’un groupe de phéniciens avec à leur tête une femme dit-on, la reine Didon, qui à la suite d’une dispute avec son frère pour une histoire de succession au royaume de Tyr(2) quitta son pays pour venir s’installer dans la région. Déjà présents sur toute la méditerranée avec leurs comptoirs commerciaux depuis bien plus longtemps, ces Phéniciens deviendront les Carthaginois après leur installation et leur fondation de la ville de Carthage et seront à l’origine d’une nouvelle ethnie et d’une nouvelle culture appelée Punique, grâce aussi à leur mélange avec les autochtones.

Tour à tour, Grecs et Carthaginois se sont donc retrouvés confrontés ou en contact avec cette population locale présente sur ce territoire nord-africain depuis la nuit des temps.

En dehors de la côte méditerranéenne qui était déjà connue avec les comptoirs Phéniciens puis Carthaginois, c’est par la suite, durant la période romaine que s’est vraiment déployée, géographiquement et historiquement parlant, la carte du reste de l’Afrique du Nord vers l’ouest. C’est ainsi qu’on commença à parler de la Numidie (l’Algérie actuelle) au contact de son peuple et de ces rois numides comme Gaïa, Massinissa, Syphax ou Jugurtha pour ne nommer que ceux-là, et de la Maurétanie (pour le peuple Maure, le Maroc actuel) avec Baga, Bochus 1er puis son fils Bogud..

Ces deux puissances voisines, Carthaginoise et Romaine, convoitaient le territoire ; la première, étant installée déjà depuis longtemps, la deuxième, nouvellement développée cherchait à l’être. Cette convoitise ne laissa pas indiffèrent le peuple autochtone qui, selon les contextes et au grès des alliances avec l’un ou l’autre des deux belligérants opposa une résistance acharnée, surtout contre Rome, malgré la division coutumière de ses chefs, qui finiront quand même par céder sous la pression de l’occupant romain.

Une des deux forces étaient donc de trop, et c’est la force romaine qui finira par l’emporter en éliminant Carthage qui fut définitivement rasée après la troisième guerre punique(3) et après huit siècles de présence en Afrique.

Le voyage en Tunisie

En avril 2018, un groupe d’une quarantaine de personnes, pratiquement tous des maghrébins d’origine s’envole pour la Tunisie. A propos de l’organisation, il faut rendre un hommage solennel à mon ami et frère Mohamed Kacem, Tunisien d’origine et lui aussi membre de l’association des musulmans d’Orly, associé avec moi dans ce projet sur « l’histoire du Maghreb », étant moi-même en voyage et donc absent sur une assez longue durée, il a assumé pratiquement seul la préparation de ce voyage en contact permanent avec le prestataire tunisien.

A travers ce Circuit d’une dizaine de jours, nous parcourions le pays du Nord vers le Sud à partir de Tunis et sa région que nous avions visitée en premier avec les incontournables Carthage et sidi Bou Saïd en compagnie de notre chevronné guide Lakhdar, un féru d’histoire antique qui manipule le sujet Rome-Carthage avec une facilité déconcertante. Pour nous les porteurs de ce projet qui nous étions accoutumés à parler histoire dans le cadre de ce projet sur le Maghreb et qui étions bien informés sur le sujet (du moins nous le pensions), nous avions l’air d’être des « historiens en herbe » face à lui. Nous nous sommes totalement effacés devant sa majesté (rire).

La Tunisie ayant été la porte d’entrée de pratiquement toutes les influences et les conquêtes venues de l’Est, mais également de l’ouest (pour parler d’al Andalous) il n’y pas une région qui ne soit touchée et qui ne porte une trace de ces influences, aussi bien de l’antiquité que du moyen-âge.

C’est ainsi que nous parcourions étape par étape avec un grand bus mis à notre disposition par le prestataire les régions de Tunis, Hammamet, Testour, Kairouan, puis nous investissons la région du Sahel tunisien, la plus fertile du pays depuis l’antiquité avec Sousse, Monastir, Mahdia, el Jem, sans toutefois dépasser cette région (pas mal pour un circuit !)

La première mosquée construite en 670 au Maghreb le fût à Kairouan, ville fondée par le conquérant Okba ibn Nafi’ lors des conquêtes arabes de l’Afrique du Nord appelées al Foutouhat. Il fût le premier d’une longue liste de conquérants qui se sont succédés sur la cinquantaine d’année qu’a durée la conquête. Il est le premier à avoir atteint l’atlantique selon les historiens. Il fût tué près de Tolga en Algérie dans une bataille menée contre Kossaïla sur le chemin du retour, un chef berbère christianisé qui finira par occuper pour un temps la ville de Kairouan.

Mahdia fût également fondée par des musulmans au 10ème siècle, les chiites Fatimides cette fois ci, soit presque 2 siècles et demi après le début des conquêtes arabes. Opposés au pouvoir califal abbasside de Baghdâd et de celui des Omeyades de Cordoue qui cherchait à s’instituer également à la même époque, ils proclamèrent leur propre califat et fondent la ville de Mahdia pour en faire leur siège, et pour se démarquer des Sunnites qui les ont précédés. Opposés fermement à cette tendance, Ils avaient le projet de répondre le schisme partout en terre d’islam, jusqu’à ses origines dans la péninsule arabique. C’est pour ça qu’ils repartirent au bout d’une cinquantaine d’année dans le sens inverse pour conquérir l’Égypte, pays tremplin entre l’Est et l’Ouest où ils fondèrent la ville du Caire. Ils laissèrent derrière eux au Maghreb les berbères Zirides, une dynastie issue de la grande confédération Sanhadja du Maghreb central qui régnèrent sous leur tutelle pendant un certain temps mais qui finissent par se retourner contre eux pour rejoindre la communauté sunnite en faisant allégeance au califat Abbasside de Baghdâd.

El Jem est une ancienne citée phénicienne reprise par les Romains. Elle est fondée sur les ruines de la cité antique de Thysdrus. Elle est célèbre pour son amphithéâtre, le plus grand de l'Empire romain après le Colisée de Rome selon les historiens de l’antiquité. Principale attraction touristique de la région, il accueille annuellement le Festival international de musique symphonique d'El Jem chaque été depuis 1985. L’amphithéâtre est immense. Toujours selon les historiens, il recevait entre 27 000 et 30 000 spectateurs. Nous l’explorions de fond en comble, jusqu’à ses immenses sous bassement en forme de labyrinthe dans lequel s’était dispersé le groupe. Notre guide Lakhdar a eu du mal à le rassembler pour la démonstration vocale qu’il voulait lui donner à l’extérieur au sein de l’amphithéâtre. Il demanda au groupe de se disperser dans les gradins en forme de demi-cercle pour mieux se rendre compte de la qualité visible et sonore que pouvait percevoir les spectateurs durant les diverses représentations qu’organisaient les Romains à l’époque. Il se plaça ainsi face à l’auditoire, à l’endroit où se mettait autrefois le protocole, cherchant à imiter un officiel romain s’adressant à son peuple, gesticulant de ses longs bras, il lança quelques phrases dans un ton se voulant celui d’un tribun dans le genre « Ave César, salut à toi Ô peuple, Rome te salue… ». Il eut droit à une salve d’applaudissements accompagnée d’un long rire collectif et retentissant.

La petite ville de Testour au Nord-Ouest de la Tunisie est située à environ 70km au sud-ouest de Tunis, elle mérite qu’en en parle tant elle nous a séduit par son charme et sa simplicité digne d’une belle bourgade paysanne d’Andalousie et par son histoire. Et pour cause, cette ville fut fondée au début du 17ème siècle par les Morisques andalous, lors de leur expulsion d’Espagne. Elle est dotée d’une belle et grande place principale toute fleurie à proximité de la grande mosquée historique construite par ces mêmes Morisques. Après avoir fait le tour de la ville, nous passions pratiquement tout le temps restant de cette visite dans ce charmant périmètre. La visite accompagnée de la mosquée nous a donné droit à un petit topo d’histoire dispensé par son administrateur, lui-même un descendant morisque qui est également à la tête d’une association qui veille à travers ses activités à la conservation de la mémoire de cette communauté. La principale activité économique de la ville est l’agriculture, principalement la culture de l’olive pour laquelle les Morisques d’Espagne ont un véritable savoir-faire. C’est justement en partie grâce à ce savoir-faire (mais par solidarité aussi) que les autorités tunisiennes de l’époque les ont accueillis et facilités leur installation en leur octroyant des terres sur lesquelles ils ont pu se reconstruire. Nous étions très sensibles et très à l’écoute de leur histoire par ce charmant et élégant Monsieur passionné par ses récits. Il a eu l’amabilité de répondre à toutes les questions de l’auditoire. D’autres communautés fondées par les Morisques dans d’autres régions se trouvent également sur le sol tunisien, mais je crois que la ville de Testour en est la plus importante. Nous quittions la mosquée après la prière du dohr suivie par une janaza locale, et nous nous dispersions en temps libre autour de la place pour nous restaurer, puis nous nous installions à plusieurs d’entre nous à la terrasse d’un café sur la place, sous le climat doux de la Tunisie à cette période de l’année, pour échanger nos impressions sur la visite du jour et surtout sur la question Morisque plus particulièrement à laquelle personne n’est resté insensible

Notre séjour en Tunisie se déroule parfaitement bien, selon le programme sur mesure élaboré au départ auquel mon ami et frère Mohamed Kacem a veillé au grain durant mon absence en relation avec le prestataire. Ce dernier finira par nous avouer à quelques heures du vol de retour en France que c’est la première fois dans sa carrière dans le tourisme en Tunisie qu’il a affaire à un tel groupe et qu’il soit sollicité pour ce genre de prestations qui relève plutôt du tourisme culturel que du tourisme de masse. Il nous confie qu’en règle général la demande pour la Tunisie serait plutôt de l’estival à cause de la mère bien sûr, et que sur les autres saisons elle s’amoindrit. Jamais aucun touriste, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur ne lui a demandé de l’emmener voir le musée du Bardot à Tunis par exemple ou visiter un lieu ou un monument historique en Tunisie. Il avoue encore une fois que cette expérience avec notre groupe fut enrichissante, unique et exceptionnelle au point qu’il compte développer de nouvelles formules qui relèveraient du Tourisme culturel tellement le pays en est riche en monuments et tellement il est chargé d’histoire.

Au fait, notre guide Lakhdar est le papa du prestataire. Il travaille ensemble depuis toujours.

Nous continuons donc tranquillement notre périple à la découverte d’autres régions, sur le littoral comme à l’intérieur des terres et nous emmagasinions des tonnes d’informations, tellement nombreuses, aussi bien en histoire qu’en anecdotes que nous n’étions pas certains que tout sera gardé. Il y a en tout cas certains évènements lors de ce voyage qui ne s’oublient pas. A Mehdia, la ville califale des Fatimides, après la visite des monuments historiques, qu’elle ne fût pas notre surprise en apprenant que nous allions avoir droit à un beau brunch composé principalement de produits locaux offert gracieusement par les parents tunisiens d’une participante au voyage qui habitent la région. Nous nous installions sur une belle et grande place calme et verdoyante pleine d’arbustes et de palmiers, face à la mer où nous avalions ce beau brunch jusqu’à la dernière olive (rire). Mille fois merci pour cette belle générosité ! Le lien s’est d’ailleurs bien tissé entre le groupe et ce sympathique couple que nous avions eu l’occasion et la joie de retrouver lors d’un futur voyage effectué ensemble quelques temps plus tard en Égypte, mais ceci est une autre histoire…

Un moment particulier de ce voyage c’est la visite à Monastir du mausolée de l’ancien président de la Tunisie, père de la nation tunisienne moderne, le défunt Habib Bourguiba. Impressionnant monument de l’extérieur comme à l’intérieur construit parait-il de son vivant. A l’extérieur, la coupole centrale qui renferme le tombeau est surmontée de deux minarets, l’ensemble donne l’impression d’être face à une mosquée, le tout au fond d’une longue allée boisée et parfaitement entretenue. A l’intérieur, la salle où se trouve le tombeau est très haute et tout en marbre. Il est placé en plein milieu de la salle autour de laquelle se trouve un couloir circulaire où on peut lire sur toute sa longueur des verset du Coran. Dans un autre espace, toujours à l’intérieur, une salle aménagée en Musée renferme les objets personnels du défunt tel que des vêtements de cérémonie, des documents, des photos et des coupures de presses qui relatent sa vie politique, ses rencontres avec des chefs d’États, et principalement ses relations avec les responsables des autres pays arabes ou africains qui ont œuvrés à la construction de la ligue arabe et à l’unité africaine auxquelles ont cru et se sont consacrés bon nombre de ces leaders au lendemain de l’indépendance de leurs pays. A la fin de la visite, nous quittions le mausolée dans un silence solennel pour reprendre notre visite de la ville.

Monastir, comme presque la plupart des villes du littoral tunisien est chargée d’histoire. Elle remonte à la période phénicienne. C’et une charmante petite ville construite sur une presque-ile entourée par la mer Méditerranée. Nous avions visité un magnifique Ribat qu’elle renferme en très bon état de conservation dont les hauteurs dominent la mer. Les Ribats étaient originellement des petites forteresses militaires construites dans les premiers temps de la conquête musulmane du Maghreb pour protéger les frontières de la cité. On y formait en même temps les soldats, généralement des nouveaux convertis, à l’apprentissage et à la pratique de leur nouvelle religion. Sur le bord de mer, un joli port de plaisance agréablement aménagé avec plein de bateaux bien rangés le long des quais donne envie d’y revenir dans un autre contexte et d’y séjourner plus longtemps.

La ville de Sousse sur le littoral que nous avions également visitée renferme aussi un Ribat situé plus à l’intérieur de la ville. Ville historique elle aussi, elle connait pourtant grâce à sa longue et belle plage, au même titre que presque toutes les autres villes du littoral, une fréquentation accrue pendant les trois mois de l’été. Nous nous y installons pour 3 nuits dans un grand et bel hôtel donnant sur la plage, et c’est de là que nous partions tous les jours en excursions sur les visites des sites et des villes de la région.

Après ces trois journées dans la région de Sousse, nous remontions vers Tunis pour une dernière journée en temps libre et pour y faire nos derniers achats au souk de la ville que nous avions déjà visité au premier jour, puis nous nous dirigeâmes en fin de journée vers l’aéroport Bourguiba afin de prendre notre vol vers Paris

Je partais en me disant au fond de moi qu’il y aura certainement une autre aventure in chaa Allah, comme celle-là ou différente vers la Tunisie

1 Appellation d’origine gréco-romaine découlant du mot barbare qui désignait tout ce qui était étranger à eux

2 Liban actuel

3 Guerres qui opposèrent les forces Carthaginoises aux forces Romaines. Elles étaient au nombre de 3. La troisième impliquait un enjeu stratégique pour les 2 puissances et un prétexte pour Rome d’attaquer Carthage : il s’agit de l’unification de la Numidie (Algérie actuelle) et d’une bonne partie de l’Africa (Tunisie actuelle) par le roi berbère Massinissa au dépend de Carthage à laquelle il était associé au début avant de se tourner stratégiquement vers Rome

Histoire de la Tunisie. De la Préhistoire à nos jours

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Tunisie

Galerie Photos

Carte de la Tunisie actuelle
Carte de la Tunisie actuelle

Terre de convoitise pour ses richesses naturelles et peut être pour sa position géostratégique (l’Afrique du Nord est le plus grand territoire sur la rive sud méditerranée, de plus, qui contrôle le détroit de Gibraltar contrôle l’accès en Espagne et à l’Atlantique). La terre d’Afrique du Nord a toujours attiré les peuples, ceux de la Méditerranée particulièrement. C’est ainsi qu’après l’expérience carthaginoise et romaine elle voit déferler Vandales, Byzantins, Musulmans… mais eux, c’est une autre et longue histoire…

Jusque-là, l’histoire de l’Afrique du Nord ne s’est malheureusement pas écrite par les autochtones. Ce sont les conquérants qui s’en sont chargé. C’est au Moyen âge durant l’ère musulmane avec la formation des centres de pouvoir maghrébins indépendants, à l’ouest, au centre et à l’est encouragèrent grâce à leur mécénat l’émergence de nouvelles générations d’intellectuels et d’historiens comme Ibn Khaldoun, Ibn Abi Zar al Fassi, al Idrissi, et bien d’autres encore qui ont commencé à écrire pour leurs princes respectifs locaux l’histoire de leurs territoires et de leurs peuples.

Il n’est pas question de raconter ici l’histoire de l’Afrique du Nord mais de donner un aperçu historique qui explique l’intérêt d’un tel projet pour l’histoire du Maghreb. Dans ce projet était prévu un voyage au Maroc, celui de la Tunisie et un autre en Algérie